La région d'Urabá, dans le Nord Ouest de la Colombie, est d'une grande importance géostratégique pour le pays du fait de sa position le long de la frontière avec le Panama, de sa proximité avec le canal du Panama mais aussi de ses ressources naturelles (sous-sol très riche en minéraux et combustibles fossiles).

En février 1997, l’opération Genesis organisée par l’armée et des groupes paramilitaires a provoqué le déplacement de 4 000 personnes habitant la zone du fleuve de Cacarica et l’assassinat de dirigeants emblématiques. Si cette opération avait officiellement pour objectif de combattre les FARC, elle a généré en réalité meurtres, torture, disparition et déplacements forcés. Selon Danilo Rueda, un membre de la Commission Inter-ecclésiale Justice et Paix (CIJP), les motivations n'étaient pas pacifiques mais bel et bien économiques avec pour objectif de s'approprier les richesses du sous sol et agricoles de la région.

Les habitants ont dû quitter leurs terres pendant 4 ans, vivant dans des conditions particulièrement précaires, avant d’engager un retour en 2001 en créant les premières Zones Humanitaires pour tenter de survivre au cœur du conflit colombien. Ces Zones Humanitaires sont reconnues dans le Droit International Humanitaire comme des zones civiles clairement identifiées qui ne doivent être attaquées par aucun des acteurs armés du conflit.

Les habitants militent depuis lors pour la restitution de leurs terres. La Commission Inter-ecclésiale Justice et Paix (CIJP) a joué un grand rôle dans ce cadre : elle accompagne les communautés de Cacarica depuis 17 ans pour leur permettre d’obtenir justice. Elle promeut la protection intégrale du territoire, la défense des droits des communautés face à l’industrie des agro-combustibles et ses conséquences sur la sécurité alimentaire et dénonce également les abus des forces armées. Face au manque d’avancée au niveau national, les avocats de la CIJP ont porté l’affaire devant le système interaméricain en 2003, permettant d’obtenir en décembre 2013 de la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme la condamnation historique de l’Etat colombien pour déplacement forcé, organisation de l’opération et assassinat de dirigeant. C’est la première fois qu’un Etat est condamné pour déplacement massif de communautés afro descendantes.

Pourtant, malgré cette première victoire, la situation reste difficile sur le terrain.

Alors que les négociations de paix ont débuté en Colombie en 2012, les attaques contre les défenseur.e.s des droits de l’Homme n’ont jamais été aussi nombreuses : en 2013, 78 ont été assassinés. Les principales victimes de ces agressions sont des défenseurs d’organisations de base habitant dans des zones reculées du pays. Les membres des communautés de déplacés sont eux aussi victimes de nombreuses menaces : beaucoup sont victimes de persécution judiciaire et harcèlements et plusieurs ont dû recourir à nouveau à l’exil pour se protéger.

A cause de ce travail, les membres de la CIJP ont été victimes de nombreux incidents de sécurité, dont de graves menaces à leur intégrité physique, des opérations de surveillances illégales, des tentatives d’assassinats, des séquestrations et une campagne de diffamation. C’est pour cela qu’ils bénéficient de mesures de protection de la Commission interaméricaine des droits de l’homme depuis 2003, date à laquelle ces menaces se sont intensifiées.

Les Brigades de Paix Internationales, présentes en Colombie depuis 1994, accompagnent ces défenseurs.e. sur le terrain afin de leur permettre de continuer leur travail courageux et dangereux en dépit des menaces qui pèsent sur eux.

La section française des Brigades Internationales de la Paix accueille en mars 2014 deux défenseurs colombiens, le père Alberto Franco (membre de la CIJP) et Janis Orejuela (représentant des communautés de déplacés de Cacarica), dans le cadre d'une tournée européenne pour évoquer leur combat pour la justice et leur lutte contre l’impunité dans ce cas spécifique des déplacés du fleuve de Cacarica.

Leur visite en France permettra d'attirer l’attention des autorités et de la population sur la problématique des déplacements forcés et la persistance des groupes paramilitaires, mais aussi d'établir et renforcer les relations avec les organisations de la société civile.

L'agenda des défenseur.e.s à Paris sera bien rempli. Au programme : conférence publique le vendredi 14 mars à la maison de l'Amérique Latine, rendez vous au Ministère des Affaires Étrangères et au barreau de Paris, rencontres avec des ONG françaises, des journalistes et participation à la journée d'initiation avec les bénévoles de PBI.

 

Lien vers le site de l'association CIJP : www.justiciaypazcolombia.com

Lien vers une vidéo du père Alberto Franco : www.youtube.com/watch