L’objectif de cette Alerte est d’attirer l’attention de la communauté internationale sur la situation sécuritaire de la journaliste indépendante Dina Meza, accompagnée par les Brigades de Paix Internationales (PBI) depuis mai 2014. PBI est préoccupé par l’augmentation des incidents de sécurité rapportés le mois dernier en raison de son travail de journaliste et de ses activités de femme défenseure des droits humains.

Dina Meza est une journaliste hondurienne reconnue, et défenseure des droits à la liberté d’expression et d’information. Meza est la présidente de PEN Honduras et, dans le cadre de l’initiative « Journalisme et Démocratie », apporte un soutien juridique, éducatif et informatif à des journalistes et travailleurs du secteur des médias en situation de risque. Son travail est disponible dans son journal en ligne « Pasos de animal grande » et a conduit à des menaces à son encontre ainsi qu’à l’égard des membres de sa famille. Cette situation l’a obligée à s’exiler pendant près de 5 mois en 2013. Depuis 2006, Meza bénéficie de mesures de protection de la Commission interaméricaine des droits de l’Homme (CIDH), mais celles-ci ne sont pas correctement mises en œuvre. Il n’y a pas eu d’avancées dans les enquêtes sur les plaintes déposées par la journaliste, et bien qu’elle ait sollicité à diverses reprises l’accès à son dossier, à ce jour il ne lui a pas été autorisé.

Au premier semestre 2015, Dina Meza a rapporté 20 incidents de sécurité à PBI, dont au moins 13 ont eu lieu au cours du seul mois de juin. La journaliste établit un lien entre ces incidents et le travail qu’elle a mené au cours de ce premier semestre de l’année :

  • Le 8 avril, Meza a participé à la pré-session de l’Examen périodique universel (EPU) à Genève. Dans cet espace, elle a dénoncé les restrictions et les attaques à la liberté d’expression. Meza, de même que les autres représentants du mouvement social qui ont participé à cette rencontre, ont fait l’objet d’une campagne de diffamation de la part du Gouvernement hondurien. 
  • Début juin, Meza a assisté et documenté l’audience lors de laquelle a été rendu le jugement en faveur de la communauté garifuna de Barra Vieja en Tela, poursuivie pour le délit d’usurpation de leurs terres ancestrales par l’Institut Hondurien de Tourisme et l’Entreprise Nationale Portuaire. Cette communauté a été expulsée à plusieurs reprises par les forces de sécurité de l’Etat.
  • Le 17 juin, Héctor Orlando Martinez Motino, président du Syndicat des Travailleurs de l’Université Nationale Autonome du Honduras (SITRAUNAH), a été assassiné au sein du Centre Universitaire Régional du Littoral Pacifique (Choluteca). Il était bénéficiaire de mesures de protection de la CIDH suite à des menaces et harcèlement dont il aurait été l’objet, conséquence directe de ses activités au SITRAUNAH. Meza et l’avocate Kenia Oliva accompagnaient le syndicaliste dans le cas d’une plainte déposée à son encontre par un professeur universitaire. Meza a dénoncé l’absence de réponse de la part du Mécanisme de Protection du Sous-Secrétariat à la Justice et aux Droits de l’Homme à la demande envoyée le 10 juin 2015. Les deux défenseures ont rapporté à PBI des actes d’espionnage autour de leurs domiciles. Le véhicule de Meza a été, selon le rapport de deux techniciens, saboté à deux reprises les jours précédant et suivant l’assassinat.
  • Meza a donné une visibilité aux plaintes rapportées par divers médias, en particulier Radio Globo et Canal 36 dans le cadre du suivi des cas de corruption présumée au sein de l’Institut hondurien de sécurité sociale (IHSS). Meza dénonce la censure imposée par l’Etat, qui a déclenché une vague d’accusations contre des journalistes pour diffamation, injure ou calomnie, de même que le contrôle des fréquences radio et la fermeture de nombreuses radios communautaires. 
  • Meza a suivi de près les marches aux flambeaux et la grève de la faim impulsée par l’ « Opposition Indignée », des manifestations qui réclamaient la création d’une Commission internationale contre l’impunité au Honduras (CICIH) et la démission du président de la République, Juan Orlando Hernandez. Meza a dénoncé l’expulsion de journalistes accrédités, de même que l’usage de manœuvres psychologiques, de violence physique et de persécution de la part des corps de sécurité publique lors de ces manifestations. Dans les jours suivants, Meza a rapporté avoir été l’objet de surveillance lors d’évènements publics et dans la rue.

L’augmentation des incidents de sécurité de la journaliste s’inscrit dans un contexte d’insécurité croissante et de fermeture des espaces pour la liberté d’expression. Six ans après le coup d’Etat, le Honduras reste un des pays les plus dangereux au monde pour l’exercice du journalisme. Depuis l’an 2000, Reporters Sans Frontières a enregistré 28 cas de journalistes ou collaborateurs des médias assassinés pour des raisons directement liées à l’exercice de leur profession. Au premier semestre 2015, C-Libre a enregistré 98 attaques à l’encontre de la liberté d’expression, avec une participation présumée d’acteurs faisant partie de la structure gouvernementale dans la majorité des cas, et huit assassinats de personnes travaillant pour les médias. Les trois derniers ont eu lieu en seulement dix jours. A cette situation alarmante s’ajoute un niveau élevé d’impunité qui génère encore plus de violence. PBI a reçu avec préoccupation les déclarations de représentants de l’Etat contre les journalistes, parmi elles celles du président du Congrès national, qui a demandé aux journalistes d’assumer eux-mêmes leurs propres mesures de sécurité, et celles du président de la République qui, dans le cadre de la célébration de la journée du journaliste au Honduras, a déclaré : « ces pseudo-journalistes occultent, déforment et inventent, dans leur volonté d’incendier le pays ».

Face à cette situation, PBI fait les recommandations suivantes à la communauté internationale :

  • Le 8 mai, le Honduras a reçu 152 recommandations dans le cadre de l’EPU. Parmi elles, 22 se réfèrent à la situation de la liberté d’expression. En vertu de ce processus, il est fondamental de donner suite et de solliciter l’application rapide de ces recommandations de la part du Gouvernement.
  • En cohérence avec ce qui est établi dans les instruments qui veillent à la protection des personnes défenseures des droits, les Lignes directrices de l’Union européenne, de la Suisse, la Norvège et la Déclaration de l’ONU pour la protection des personnes défenseures des droits humains : se prononcer publiquement face à la mise en œuvre inadéquate des mesures de protection de la CIDH octroyées à des personnes défenseures des droits, à des journalistes et collaborateurs des médias en situation de risque.
  • Le 15 mai 2015, la Loi portant protection des journalistes, communicants sociaux et opérateurs de justice a été approuvée. Il s’agit de garantir que dans le cadre de cette loi, des mesures de protection adéquates et efficientes soient apportées aux journalistes en risque. En particulier, demander au gouvernement hondurien de prendre en charge les mesures positives destinées à reconnaître le travail réalisé par les personnes défenseures des droits et sanctionner opportunément toute stigmatisation contre des activistes, qu’elle provienne d’instances publiques ou privées.