Pourquoi avoir fait le choix de partir avec PBI ?

Avant d’être volontaire pour PBI au Kenya, j’ai été volontaire pour le projet en Colombie. A l’origine, ma motivation est née de mon envie de m’engager auprès d’une organisation respectueuse du travail et de la vision des sociétés civiles nationales. Je n’avais pas envie d’être une étrangère de plus venue leur dire comment améliorer l’effectivité des droits fondamentaux dans un pays dont j’ignorais presque tout. Je souhaitais apprendre, élargir ma vision des choses et voir comment soutenir le travail des défenseurs des droits humains dans le respect de leur vision. PBI a cela de magique, que nous n’interférons pas dans le travail des défenseurs, nous apportons notre soutien en protégeant leur vie et leurs espaces de travail en utilisant notre modèle, si et seulement si, ils nous le demandent. Nous n’imposons pas notre méthodologie.

De plus, PBI, dans un souci de respect de chacun, promeut une organisation interne basée sur l’horizontalité, la transparence et le consensus. J’avoue que l’idée m’a séduite.

C’est donc après des études de droit, un Master en droits humains et actions humanitaires, et plusieurs stages, que j’ai intégré PBI et me suis orientée vers la protection des défenseurs des droits humains.

Aujourd’hui, si j’ai voulu renouveler l’expérience au Kenya, presque 5 ans plus tard, c’est pour apporter ma pierre à la construction du premier projet africain de PBI. J’avais envie de partager mes connaissances acquises auprès des défenseurs en Amérique latine, de mes collègues au sein de PBI Colombie et ainsi contribuer à soutenir les défenseurs des droits humains kenyans dans leur mission de sauvegarde des droits fondamentaux.

Raconte-nous le travail de PBI au Kenya.

L’équipe est basée à Nairobi. Nous sommes actuellement trois volontaires, un coordinateur basé en Espagne et un comité de projet composé de 6 personnes. Dans peu de temps, un quatrième volontaire nous rejoindra, ainsi que la nouvelle coordinatrice de terrain et en début d’année prochaine un/e chargé/e de plaidoyer. Le projet grandit !

L’idée de créer un projet en Afrique est née en 2009. Plusieurs pays ont été présélectionnés et en 2013 la première équipe s’est installée à Nairobi. Le Kenya semblait un pays où le contexte politique permettait à PBI d’offrir son modèle de protection, basé sur la dissuasion au travers de l’accompagnement physique, de l’observation, du plaidoyer, de la mise en réseaux, et de la sensibilisation de l’opinion publique. PBI fait face à de nouveaux enjeux, peu connus des projets implantés en Amérique latine, comme la grande précarité des leaders communautaires, la méfiance mutuelle et le manque de coordination entre les activistes de base et les ONG établies, ainsi que la jeunesse du mouvement social : le Kenya est un Etat récent dont l’Indépendance n’a été proclamée qu’il y a une cinquantaine d’année, et le tissu social y est fragile.

Quels types d’organisations sont accompagnées par PBI ?

Actuellement, PBI accompagne des défenseurs issus des bidonvilles de Nairobi dont les activités cherchent à faire obstacle aux exécutions extrajudiciaires, et à la criminalisation. Nous accompagnons également des femmes défenseuses des droits humains qui luttent pour leurs droits, comme le droit à la contraception, le droit à l’avortement, ou encore pour l’égalité des genres.

Les défenseurs promeuvent la transparence face à la corruption, le respect de l’environnement face à la contamination, le respect des droits civils et politiques face à l’arbitraire étatique, le respect des travailleurs face à l’exploitation économique, le rassemblement face à la multiethnicité, le respect de la dignité humaine face à la paupérisation de la société.

En raison de la promotion des droits fondamentaux, ils font face aux agressions, aux détentions arbitraires, aux assassinats, à la criminalisation judiciaire, à la délégitimation, entre autres menaces qui pèsent sur leur vie.

Quel est le contexte actuel au Kenya?

Le gouvernement cherche à briser les initiatives collectives en allant à l’encontre de la Constitution et des lois progressistes adoptées après 2010 (Année d’adoption de la nouvelle Constitution). Par exemple, l’exigence faite aux mouvements sociaux d’annoncer toute manifestation publique dans le but de l’interdire ou de l’empêcher, le fait de rendre complexe et infiniment long le processus d’enregistrement de nouvelles organisations, de vouloir limiter le montant des financements étrangers aux ONG, de s’immiscer dans la liberté de la presse, ou l’opacité et l’impunité autour des violations des droits humains, provoquent une méfiance envers le nouveau gouvernement de Kenyatta, élu en 2013.

Le terrorisme qui secoue le pays régulièrement, rend le gouvernement suspicieux. Les défenseurs des droits humains ont mauvaise presse car ils défendent la liberté à l’heure de la sécurité nationale. De nombreuses organisations en pâtissent, comme MUHURI et HAKI AFRICA (Cf. article de Frontline avec le directeur de Haki Africa). Ces deux organisations, originaires de Mombasa, sur la côte indienne, font l’objet de nombreuses attaques de la part de l’Etat car elles s’intéressent aux exactions commises par les forces de sécurité au cours de leur lutte contre le terrorisme. Malheureusement le scénario est connu, nombreux sont les Etats qui égratignent voire annihilent les libertés publiques sur l’autel de la sécurité nationale.

Le chemin est long mais la solidarité s’impose.