Le 2 et 3 octobre 2018, PBI France a eu l’immense plaisir de recevoir 3 défenseur.e.s des droits humains : Sandra Alarcón (Mexique), Carlos Fernandez Muñoz (Colombie) et Rosa Santamaria Tabora (Honduras). Les schémas ressortant de leurs interventions sont extrêmement similaires d’un pays à l’autre : implication des multinationales dans les violations des droits humains, déplacements forcés de population, complicité des gouvernements, impunité et corruption généralisées, et criminalisation des défenseur.e.s de droits humains. Retour sur cette tournée et sur ses enjeux.

              

A leur arrivée en France, les trois défenseur.e.s ont rencontré Véronique Gaymard, journaliste chez RFI. Un à un, ils ont parlé de la responsabilité de leurs gouvernements dans les systèmes institutionnalisés qui empêchent d’accéder à la paix, à la justice et de régler les conflits d’hier et d’aujourd’hui. Au-delà des discours militants, ces interventions révèlent aussi des histoires de vie personnelle. Rosa Tabora, impliquée au sein du CNTC (Centre National des Travailleurs Agricoles) est émue lorsqu’elle raconte son histoire. Dédier sa vie a la défense de territoire et à l’accès à la terre n’est pas une décision facile au Honduras, où les conditions de vie précaires, alliées au manque de travail, poussent beaucoup de Honduriennes et Honduriens à émigrer.

Au court de cette tournée, les trois défenseur.e.s ont aussi pu échanger avec diverses organisations de défense des droits humains (ACAT, Réseau France Colombie Solidarité, Secours Catholique, Solidarité Laïque), des représentant.e.s de la Mairie de Paris, les conseillères du Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la situation des défenseur.e.s des droits humains ainsi que des représentant.e.s du Ministère des Affaires étrangères.

Une conférence publique a également été organisée mercredi 2 octobre, l’occasion de dresser un tableau général de la situation des droits humains en Amérique Latine. Les défenseur.e.s ont dénoncé la corruption et l’impunité qui caractérisent la majorité des systèmes politiques latino-américains, qui bien souvent renforcent les élites politiques qui contribuent ensuite à appauvrir et affaiblir les systèmes judiciaires. Le manque d’indépendance judiciaire et d’accès à la justice empêche quant à lui que les violations à l’encontre des droits humains soient punies, favorisant ainsi leur récurrence et leur intensification.

A la fin de la conférence, la première question : « comment définissez-vous un.e défenseur.e des droits humains ? », a touché une corde sensible chez les intervenant.e.s. Un.e défenseur.e est avant tout quelqu’un qui se bat pour que les droits de toutes et de tous soient respectés, pour l’accès à la justice mais aussi pour la défense de la terre et du territoire. Cependant, cette définition revêt aussi un enjeu politique pour les gouvernements, notamment lorsqu’il s’agit de comptabiliser le nombre d’agressions et d’assassinats à leur encontre.

Cette tournée a mis en lumière des témoignages qui questionnent l’exploitation massive des ressources de la nature et dénoncent les violations des droits humains commises par les multinationales, dont les produits sont pour la plupart à destination des marchés européens. Le modèle extractiviste, qui pour les défenseur.e.s est synyme de dépossession des territoires ancestraux de communautés autochtones, de violence de la part des entreprises, et de paramilitarisme. Les multinationales mettent souvent en place des stratégies pour semer la discorde au sein des communautés, des peuples et des familles afin de s’implanter plus facilement dans ces pays riches en ressources naturelles. En Colombie, 1 % des plus grandes exploitations agricoles possèdent 80 % des terres, laissant peu de terrains cultivables pour les familles. En Amérique Latine, l’implantation d’entreprises étrangères extractivistes est aussi synonyme de pollution des sols et des rivières, affectant ainsi de nombreuses communautés locales.

Dans le cas du Mexique, le gouvernement approuve continuellement de nouvelles lois qui autorisent l’appropriation des territoires autochtones et l’implantation de mégaprojets. Pourtant, elles vont à l’encontre de la Constitution et des conventions internationales ratifiées par le gouvernement (notamment la convention numéro 169 de l’Organisation Internationale du Travail). En 2016, le Ministère de l’Economie comptabilisait pas moins de 25 506 concessions minières dans le pays.

La conférence publique s’est clôturée par un appel à l’action : « comment agir, depuis la France, pour promouvoir les droits humains dans ces pays ? ». C’est ce que tente de faire PBI France au quotidien, par l’envoi de volontaires sur le terrain qui soutiennent directement les défenseur.e.s et par des actions de plaidoyer et de sensibilisation. N’hésitez pas à nous rejoindre.

Camille Ely