Crédits photo : REUTERS/Mayela Lopez                    

 

À deux mois des élections générales au Nicaragua, les perspectives s’assombrissent.

À la fin du mois d’août, un massacre aurait été perpétré par des « colons » qui se seraient introduits dans la réserve de biosphère de Bosawás, une zone rurale protégée de la région autonome de la côte nord des Caraïbes, considérée par l'Unesco comme le « cœur du corridor biologique méso-américain ». Au moins 18 indigènes Miskito et Mayangna y ont été assassiné.e.s. Les habitant.e.s de la réserve, victimes d’agressions fréquentes et souffrant d'un manque de protection de leurs droits, subissent également la détérioration de leur environnement causée par l'élevage extensif de bétail, l'exploitation forestière illégale et les activités minières. Ils et elles ont ainsi été contraints.te.s de quitter leur territoires ancestraux pour survivre. En 2020 déjà, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits humains s'est dit préoccupé par l'impunité persistante des crimes commis contre les peuples autochtones au Nicaragua.

 

En parallèle, la répression à l’encontre des voix critiques du gouvernement continue de s'intensifier. Ces deux derniers mois, l'Assemblée nationale du Nicaragua a privé de statut juridique 39 organisations non gouvernementales nationales (ONG), dont des organisations médicales qui critiquaient la gestion de la pandémie. En août, ce sont six ONG américaines et européennes impliquées dans des projets humanitaires et de promotion des droits humains, dont Oxfam et Diakonia, qui ont vu leur permis d'opérer au Nicaragua annulé. Cela porte à 55 le nombre d'organisations fermées par le gouvernement depuis 2018, au motif qu'elles ne respectent pas leurs obligations légales.

 

Ces nouvelles mesures interviennent après que les États-Unis et l'Europe aient multiplié les plaintes et les pressions à l'encontre du gouvernement Ortega-Murillo, et annoncé de nouvelles sanctions contre des membres de la famille et des proches du gouvernement. Cela fait suite à la détention de plus de 30 personnes, dont sept candidats à l'élection présidentielle, des journalistes, des dirigeant.e.s de mouvements étudiant.e.s et sociaux et des défenseur.e.s des droits humains. Elles ont été arrêtées fin mai, et pour la plupart d’entre elles, aucune information n’a été donnée sur le lieu et les conditions de leur détention, ni sur leur état de santé. Selon le dernier rapport d'Amnesty International, intitulé Where are they ? La disparition forcée en tant que stratégie de répression au Nicaragua, « la détention suivie de [la dissimulation] de l'endroit où se trouvent les personnes [détenues] constitue une disparition forcée au regard des obligations internationales de l'État nicaraguayen en matière de droits humains ».

 

Au milieu de cette vague d'arrestations, le Conseil suprême électoral a disqualifié le seul parti d'opposition qui avait réussi à s'inscrire officiellement pour les prochaines élections présidentielles, prévues le 7 novembre. Selon la Commission interaméricaine des droits humains, cela vise à « empêcher la participation de l'opposition aux élections générales ». L’Union européenne estime pour sa part que « l'opposition a été éliminée ».

 

La communauté internationale réagit à la répression au Nicaragua.

Face à la détérioration de la situation au Nicaragua, les États-Unis ont révoqué les visas de 100 personnes liées au gouvernement Ortega-Murillo, et le Sénat a approuvé le projet de loi Renacer (officiellement appelé Loi visant à renforcer l'adhésion du Nicaragua aux conditions de la réforme électorale). Cette initiative, qui doit encore être adoptée par le Congrès avant d'être signée par le président Biden, vise à accroître la pression sur le gouvernement nicaraguayen et à renforcer les sanctions, notamment en prenant des mesures contre des acteurs clés de l'administration Ortega-Murillo et en expulsant éventuellement le Nicaragua de l'accord de libre-échange d'Amérique centrale.

 

Dans le même temps, l'Union européenne a imposé des mesures restrictives à l'encontre de huit personnes, dont la vice-présidente et première dame, Rosario Murillo, l'un de ses enfants et six hauts fonctionnaires, « responsables de graves violations des droits humains ou d'actions portant atteinte à la démocratie et à l'État de droit au Nicaragua ». Cela porte à 14 le nombre de personnes faisant l'objet de sanctions de la part de l'UE. Le Canada et la Suisse se sont également joints aux pressions européennes et américaines pour mettre un frein aux abus du gouvernement nicaraguayen.

 

Nouvelle vague d’exilé.e.s.

En juillet, le mécanisme spécial de suivi pour le Nicaragua (Meseni) indiquait que plus de 103 600 Nicaraguayen.ne.s se sont exilés.e.s depuis le début des manifestations en avril 2018.

 

En pleine crise sociale, économique, politique et des droits humains au Nicaragua, le nombre de personnes ayant choisi l'exil ne cesse d'augmenter. Selon le service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis, pour le seul mois de juillet de cette année, 13 338 Nicaraguayen.ne.s ont été appréhendé.e.s à la frontière sud des États-Unis, soit 52 fois plus qu'en janvier, ce qui porte à 32 683 le nombre total de personnes ayant tenté de franchir la frontière depuis le Mexique cette année. Durant cette traversée depuis le Nicaragua, une série d’attaques contre leur sécurité, leur intégrité personnelle, leur liberté et leur vie ont eu lieu. Plusieurs cas d'extorsion ou d'enlèvement par des réseaux criminels ont été signalés, mais aussi des abus de la part des autorités frontalières américaines. Face à la vague de répression au Nicaragua, le Costa Rica a également vu son nombre de demandeur.se.s d'asile tripler en juin, avec 4 328 demandes.

 

Depuis le projet PBI Nicaragua au Costa Rica, nous continuons à accompagner les organisations et les collectifs en exil, en cherchant à renforcer leurs capacités de protection globale et de plaidoyer dans une approche de consolidation de la paix. Nous partageons l'inquiétude de la communauté internationale et des organisations de la société civile face à la grave situation de violations des droits humains dont est victime le peuple nicaraguayen.

 

À l’occasion de la Journée mondiale des réfugié.e.s, nous vous invitons à lire les témoignages de quelques Nicaraguayen.ne.s qui défendent les droits humains depuis leur exil, dans le cadre de notre campagne La défense des droits humains n'a pas de frontières (en espagnol).

 

Article traduit par Chloé