Par Manon Perrou

 

Originaire de Papouasie occidentale dans l’archipel indonésien, Peggy Sarumi n’a que trois ans lorsqu’elle survit au massacre de Wasior, un souvenir qui hante et motive son travail depuis. 

«Bloody Wasior» [1] est un cas non résolu de violations graves des droits humains causées par l'État indonésien entre avril et octobre 2001, principalement dans la région du district de Wasior, province de Papouasie occidentale. Cela a commencé par la protestation des communautés locales qui ont demandé une compensation à PT Dharma Mukti Persada (PT DMP), une société forestière opérant dans le district de Wasior, qui avait illégalement occupé les terres coutumières de la communauté et récolté les ressources en bois. L’affaire n'a jamais fait l'objet de mesures concrètes.  Après 19 ans, il n'y a aucun signe d'action ni d'engagement de la part du gouvernement indonésien en vue de résoudre les affaires connexes ou de traduire en justice les auteurs présumés de ces violations graves des droits humains.

La destruction des forêts dans le district de Wasior, à Teluk Wondama Regency [2] — qui a déclenché des crues soudaines — a incité Peggy à poursuivre son plaidoyer pour l’environnement. Elle accompagne des centaines d’habitant.e.s des villages de Wonbu et Sararti , qui sont à 6h de route de sa résidence dans le district de Wandiboi. 

L’exploitation forestière illégale à Wasior aurait commencé en 1996. Selon Peggy, de nombreuses sociétés forestières auraient conclu des accords verbaux avec des chefs tribaux et des chefs communautaires pour avoir accès aux grands arbres abattus comme le merbau ou le bois de fer. L’entreprise, en retour, s’engage à réparer les routes, à construire des maisons et des installations d’eau potable, à fournir une assistance automobile pour les transports publics. Cependant, « rien n’a été accompli, ce qui a été donné à la fin était des nouilles instantanées, des sardines, du sucre, du café » a déclaré la jeune étudiante. En une journée, 100 arbres sont abattus. Les activités de transport du bois sont souvent effectuées de nuit afin que les villageois ne les voient pas. Certaines des grumes qui ont été coupées sont enterrées pour tromper l’équipe d’inspection gouvernementale.

Avec le bureau Justice et Paix de l'Église protestante pour Wondama (KPKC Klasis Wondama), Peggy a plaidé au nom de son propre peuple, les Wondama, et pour d'autres communautés autochtones confrontées aux effets néfastes de l'expansion de l'huile de palme.

Actuellement, Peggy termine ses études universitaires au Manokwari College of Law, tout en étant active dans l'association papoue GEMPAR. C’est un mouvement de jeunesse étudiant papou, au sein duquel les membres travaillent sur divers sujets relatifs aux droits, y compris les droits autochtones et environnementaux en Papouasie. Dans cette lignée, Peggy aide l’association à défendre les droits des filles et des jeunes femmes à Manokwari (capitale de la province de Papouasie occidentale). Elle espère créer une association pour les jeunes femmes et les étudiant.e.s militant pour une justice incluant la perspective de genre.

En effet, la jeune militante est convaincue de l’influence que peuvent avoir les femmes si celles-ci ont la possibilité de se déplacer et de sensibiliser la communauté sur l’importance des forêts, qui sont leur source de vie. Soutenue par ses parents [3] , elle cherche donc à les impliquer autant que possible dans le plaidoyer environnemental. 

Cette jeune femme, aujourd’hui âgée de 22 ans était l’une des plus jeunes élèves participant aux ateliers d’ELSAM (Institute for Policy Research and Advocacy) et PBI pour les défenseur.e.s des droits humains. Ce programme de sept mois consiste à promouvoir les droits humains en renforçant les capacités des défenseur.e.s des zones reculées du pays, via des ateliers et des cours auprès d'un large éventail d'intervenants, issus du milieu universitaire, de la société civile, de la communauté diplomatique ou encore d'organes gouvernementaux et un travail sur le terrain. L'objectif est d’accroître les capacités des défenseur.e.s à documenter les violations des droits humains, à mener un travail de plaidoyer aux niveaux national et international et de renforcer leurs réseaux d'appui pour garantir leur sécurité personnelle (physique, numérique, et psychosociale). La formation s'organise de la façon suivante : 4 mois de formation sur le plaidoyer politique et les méthodes de sécurité, puis 3 mois de recherche sur le terrain.

En 2019, Peggy s'est rendue dans la capitale indonésienne, Jakarta, et a rencontré des représentants du gouvernement, la communauté diplomatique et l’Institution indonésienne des droits humains (Komnas HAM) afin d'attirer l'attention sur l'impact environnemental et humain de la déforestation à grande échelle dans sa province natale. Le voyage était organisé par PBI, ELSAM et une troisième organisation, Pusaka.

Pour le moment, Peggy ne semble faire l’objet d’aucune menace active à son encontre. Néanmoins, comme pour la plupart des militant.e.s papou.e.s se livrant à toute forme d’activisme, il existe une menace généralisée de répression. Cette répression concerne notamment la liberté d'expression, c'est-à-dire que les manifestations sont violemment réprimées, la menace de criminalisation est très élevée actuellement. La Papouasie est également soumise à une approche de sécurisation par l'Indonésie, ce qui signifie qu’elle est fortement militarisée.