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Photo-reportage : Uraba en Colombie, le témoignage de Coline

La vie d’une équipe se construit au jour le jour. Elle est rythmée par les arrivées et les départs, parfois réfléchis, parfois précipités. Chaque fois on réinvente de nouvelles manières de vivre ensemble. En Urabá, l’équipe c’est notre famille, nous vivons dans une petite ville, les activités sont restreintes, et la maison, un lieu au carrefour entre travail, loisirs et vie intime.

C’est aussi un lieu qui accueille les anciens brigadistes de passage, les groupes nationaux en visite, les autres volontaires du projet en route pour la plage…

 

L’arrivée des nouveaux

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Photo : Petit déjeuner de bienvenue - septembre 2019

Photo : Petit déjeuner de bienvenue - septembre 2019

L’arrivée des nouvelles et nouveaux volontaires est souvent un fête mais aussi un sacré travail pour l’équipe. Après 2 semaines de formation à Bogotá, nos nouvelles recrues doivent encore s’atteler aux spécificités de leur équipe : Reprendre par le menu l’histoire de la région et en intégrer la carte, se familiariser avec les noms et les spécificités des communautés que nous accompagnons, comprendre le fonctionnement interne de l’équipe, prendre en main les outils de travail de PBI…

Pour l’équipe en place, cela suppose une bonne préparation en amont, et 2 à 3 semaines à jongler entre les ateliers et le travail qui ne s’arrête pas pour autant. Quelques traditions ne peuvent se perdre, comme le petit-déjeuner de bienvenue, la journée d’équipe, pour favoriser la cohésion d’équipe et apprendre à se connaître « hors les murs » de la maison, sans oublier quelques facéties, autant de traditions inventées pour tester l’humour des nouveaux membres de l’équipe.

 

L’accès à la terre, des combats de toute une vie

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Photo : La Commission de Justice et Paix en réunion avec une communauté Embera près de la frontière avec le Panama

La problématique majeure à laquelle sont confrontées les communautés où PBI travaille en Urabá, est celle de l’accès à la terre. Dans les années 90, la lutte contre la guérilla a été le prétexte d’un accaparement massif des terres. Des milliers de personnes déplacées par la violence abandonnent leurs terres, aussitôt récupérées par des entreprises agricoles qui déforestent pour semer des palmiers à huile et développer l’élevage extensif. 

 

Les communautés ne se sont pourtant pas laissées intimider et ont réinvesti leurs terres, arraché les palmiers et redonné vie aux villages. Les menaces sont encore présentes car la lutte pour la terre reste sanglante mais les communautés ont fait de l’organisation collective une arme de résistance non-violente. Des ONG colombiennes comme la Commission de Justice et Paix les accompagne juridiquement pour légaliser la propriété collective sur les terres en dispute. La connaissance du territoire est un enjeu important à l’heure où la politique de restitution des terres peine à donner des résultats. Outre la restitution légale, les conditions de sécurité sont rarement réunies pour garantir l’usage des terres restituées.

 

PBI accompagne souvent l’équipe de la Commission de Justice et Paix qui conseille les communautés du Bajo Atrato tant au niveau légal qu’en terme d’organisation collective et d’autoprotection.

Photo : La Commission de Justice et Paix en réunion avec une communauté Embera près de la frontière avec le Panama.

 

Mémoires croisées sur le fleuve Cacarica

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Photos : Mémorial de l’opération Genesis et acte de mémoire lors du festival des mémoires, Zone Humanitaire Nueva Vida, Cacarica, Chocó, mars 2019
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Photos : Mémorial de l’opération Genesis et acte de mémoire lors du festival des mémoires, Zone Humanitaire Nueva Vida, Cacarica, Chocó, mars 2019

Photos : Mémorial de l’opération Genesis et acte de mémoire lors du festival des mémoires, Zone Humanitaire Nueva Vida, Cacarica, Chocó, mars 2019

Remonter les eaux boueuses de l’Atrato, s’engager dans le cour sinueux du Cacarica, c’est un peu revivre le retour des communautés déplacées de cette région par la violence des armes. C’est imaginer des familles entassées à bord de grandes chaloupas, avec peu de biens et beaucoup d’espoir, pour reprendre leurs terres à ceux qui les en ont dépossédées.

 

Mars 2020. Nous sommes nombreux à braver les vagues du Golfe d’Urabá pour parcourir ce long chemin. Les Zones Humanitaires de Cacarica sont les premières à avoir vu le jour en Colombie. Elles sont le symbole de la résistance collective et non-violente, et ont compris depuis longtemps l’importance de cultiver la mémoire. Après une longue marche, nous arrivons dans la Zone Humanitaire de Nueva Vida, où va se célébrer le commémoration de l’Opération Génésis, une opération militaire tristement célèbre qui a déplacé des milliers de personnes du Bajo Atrato en 1997. Cette année, la Commission de la Vérité, des représentants de communautés de tout le pays, des anciens combattants des FARC et un ex militaire ont fait le voyage pour penser ensemble, sur ce territoire emblématique, la question de la réconciliation. Ce soir là, dans un acte de mémoire, les enfants de Cacarica questionnent : « Pourquoi ? Qui a donné l’ordre ? Qui a tiré bénéfice de la violence ? Quelles sont les bases de la réconciliation ? ».

 

Article de l’accompagnement de PBI: https://pbicolombiablog.org/2020/07/09/un-largo-camino-hacia-la-nueva-vida/

 

25 ans de PBI en Urabá

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Photo : L’équipe Urabá lors de la célébration des 25 de PBI en Colombie – septembre 2019
En 2019, PBI Colombie fêtait ses 25 ans. Un anniversaire dont nous nous serions passés car s’il célèbre 25 ans d’amitiés internationales et de soutien sans faille, il indique également la continuité des violations des droits humains qui rend la présence de PBI encore importante, 25 ans plus tard.

 

En Urabá, nous avons décidé de faire un anniversaire aux couleurs de l’accompagnement bien spécifique à notre équipe, une présence au plus près des communautés paysannes, afro-descendantes et Embera du nord-ouest de la Colombie. Jusqu’en 2011, l’équipe d’Urabá passait 2 à 3 semaines par mois dans les communautés, un accompagnement quasi permanent auquel nous avons souhaité rendre honneur cette année en choisissant la communauté de Camelias, sur les rives du Curvaradó, dans le nord du Chocó, pour les festivités. Les enfants s’en donnent à cœur joie pour décorer cette zone humanitaire créée au début des années 2000 qui continue de résister tant bien que mal au conflit armé. Pour ces deux jours de fête, se réunissent des représentants et représentantes des communautés Embera de Jiguamiandó, des communautés afro-descendantes et métisses du Bajo Atrato, des paysans et paysannes de la Serranía de Abibe et des ONG colombiennes accompagnées par PBI dans cette région.

 

C’est une réelle émotion de représenter 25 générations de volontaires internationaux qui se sont succédées sur ces territoires hantés par la violence. C’est un privilège incroyable d’être accueilli.e.s à bras ouverts par les communautés, détenteurs d’une confiance construite au fil de ces 25 années cheminées ensemble. Les enfants qui nous entourent ont grandi avec l’accompagnement international, ils en savent souvent plus long que nous sur PBI et nous régalent d’anecdotes sur celles et ceux qui nous ont précédés, et qui ont rendu possible cette célébration unique. Mélangeant les générations, quelques invité.es nous ont fait le plus beau des cadeaux, une chanson à l’image de leur résistance : https://www.youtube.com/watch?v=2CuRGmj1kCw&feature­youtu.be

 

Photoblog de l’évènement: https://pbicolombia.smugmug.com/Journalism/As%C3%AD-fue-la-conmemoraci%C3%B3n-del-25-aniversario-en-Urab%C3%A1/i-JXpknGP

 

 

 

 

 

 

Photo : L’équipe Urabá lors de la célébration des 25 de PBI en Colombie – septembre 2019

 

Rencontres inter-équipes

 

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Photos : Première rencontre entre les trois équipes de terrain à Barrancabermeja, avril 2019 / Retraite du projet, juin 2019
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Photos : Première rencontre entre les trois équipes de terrain à Barrancabermeja, avril 2019 / Retraite du projet, juin 2019

Photos : Première rencontre entre les trois équipes de terrain à Barrancabermeja, avril 2019 / Retraite du projet, juin 2019

 

La cohésion d’équipe, l’écoute, prendre soin les un.e.s des autres, font partie de l’éthique de PBI ; et même si nous n’arrivons pas toujours à en faire une priorité, nous réussissons parfois à faire une pause dans la folie du quotidien pour nous retrouver, échanger sur nos expériences, et nous fortifier comme « projet ». En avril 2019, les trois équipes de terrain ont réalisé la première rencontre inter-équipes, un espace privilégié pour confronter les réalités de chaque équipe et mener des réflexions ensemble. C’est l’équipe de Barrancabermeja qui nous a accueilli.e.s dans la chaleur étouffante de la capitale pétrolière, haut lieu du militantisme syndical.

Quelques mois plus tard, c’est tout le projet qui se réunissait près de Bogotá pour un repos bien mérité et une prise de recul nécessaire par rapport à l’effervescence de l’accompagnement.

 

Accompagner les paysans dans leurs activités quotidiennes

 

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Photos : Accompagnements à la Communauté de Paix de San José de Apartado, dans la Serrania de Abibe
Les missions de l’équipe de PBI en Urabá sont parfois de simples immersions dans le monde paysan. Récolter le maïs, faire du miel de canne, préparer les assemblées paysannes… On vit alors coupé du reste du monde, le téléphone satellite  pour seul moyen de communication. Accompagnée historique de PBI en Colombie, la Communauté de Paix de San José de Apartadó résiste depuis 1997 pour protéger ses terres. Victime de l’armée colombienne et des groupes paramilitaires, elle a développé une stratégie d’autodétermination et s’est entourée d’un vaste réseau de soutiens internationaux. L’équipe d’Urabá accompagne cette communauté dans ses activités quotidiennes, parcourant les chemins de la Serranía de Abibe que la communauté s’emploie à défendre.

Un accompagnement à la communauté de paix commence souvent par plusieurs heures à dos de mule pour monter dans la montagne où la communauté cultive des terrains collectifs. On vit alors pendant plusieurs jours au rythme paysan, selon les activités prévues pour la semaine.

 

 

 

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Ici aussi la thématique des terres est omniprésente, et au début de l’année 2020, PBI a accompagné une mission topographique pour caractériser les terrains collectifs de la communauté de paix, une aventure de 2 semaines au cœur de la montagne.

 

Photos : Accompagnements à la Communauté de Paix de San José de Apartado, dans la Serrania de Abibe

 

 

 

 

 

 

 

 

Le terrain au temps du Coronavirus

 

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Juillet 2020. Après 4 mois de confinement, un décret gouvernemental ouvre à nouveau la possibilité aux organisations de protection des droits humains de reprendre leurs activités sur le terrain. La première pétition d’accompagnement ne se fait pas attendre. Il s’agit d’accompagner la Commission de Justice et Paix dans une tournée des communautés du Bajo Atrato avec une des membres de la Commission de Vérité, une institution née des accords de paix de la Havane pour compiler les témoignages et ainsi apporter à la mémoire du conflit armé et à la réconciliation.

 

La préparation de cet accompagnement est ardue. En plus du travail habituel d’analyse du contexte, il s’agit de prendre en compte de nouveaux risques, liés à la pandémie, et de créer des protocoles sanitaires stricts. Nous passons plusieurs semaines à tout préparer pour être fin près pour ces deux semaines d’accompagnement qui promettent d’être intenses. Nous commençons à Dabeiba, aux portes de la Serranía de Abibe, pour remonter vers les communautés du Bajo Atrato, jusqu’à la frontière du Panama.

 

Nous n’avons pas peu fière allure dans nos combinaisons anti-fluides, et c’est l’œil rieur que les communautés nous accueillent pour la première fois depuis 4 mois.  En voiture, en moto, à pieds et en bateau, nous nous aventurons jusque dans les communautés les plus reculées et c’est toujours bras ouverts que nous sommes reçu.e.s.

 

 

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Les communautés ont largement souffert des mesures prises face à la pandémie. Le contrôle du groupe armé hégémonique dans la région s’est accru avec le confinement et les paysans se sont souvent retrouvés bloqués dans leur territoire, parfois au bord de la crise alimentaire. Malgré toutes les souffrances, il n’y a pas trace de peur sur les visages que nous retrouvons, « on en a vu d’autres » nous répond-on avec humour avant de nous détailler de la tête aux pieds dans nos combinaisons de cosmonautes. C’est avec surprise que nous apprenons que de nombreuses personnes ont été malades, très probablement de la  Covid-19 et que les communautés, résilientes, se sont débrouillées, comme toujours, avec leurs plantes médicinales, et l’espoir, indéfectible. Pour elles, le coronavirus n’est qu’un mal de plus sur une liste déjà bien longue.

Photos : Accompagnement à la Commission de Justice et Paix, avec la Commission de la Vérité, août 2020

 

Article de l’accompagnement à  Dabeiba : https://pbicolombiablog.org/2020/09/22/de-vuelta-al-terreno-en-las-huellas-de-la-memoria/

 

 

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