Le Nord du Mexique est connu pour être particulièrement violent, comment as-tu vécu cette insécurité ?
En fait je ne me suis jamais sentie réellement en danger. La première fois que je suis allée à Ciudad Juarez, j’étais bien sûr assez tendue car c’est une ville connue pour être l’une des plus dangereuses au monde. Mais finalement, même si la violence institutionnelle continue d’être monnaie courante, la violence généralisée a, elle, beaucoup baissée. Elle s’est déplacée dans d’autres zones qui sont disputées par les cartels, comme les régions de Tamaulipas ou de Jalisco.
Depuis qu’une équipe de PBI s’est installée au Nord, il n’y a eu aucun incident de sécurité important pour les volontaires sur place. La zone la plus dangereuse où l’on travaille est à mon sens la zone Carbonífera, dans l’Etat de Coahuila, une région très isolée et contrôlée par le crime organisé. Dans cette zone, PBI accompagne l’organisation Familia Pasta de Conchos, une ONG qui lutte pour récupérer les corps de 63 mineurs qui ont péri lors d’un effondrement de la mine Pasta de Conchos en 2006. La directrice de cette organisation, la défenseure Cristina Auerbach, est régulièrement victime d’agression, de menace et de diffamation.
Quelles étaient tes relations avec l’équipe de volontaires ?
Nous étions entre quatre et six volontaires durant l’année, et une équipe exclusivement féminine durant plusieurs mois. Il y avait une très bonne entente entre nous, ce qui est essentiel puisqu’on passe la majeure partie de notre temps ensemble, à la fois dans le travail et dans la vie quotidienne. Les volontaires étaient très motivés et les personnalités compatibles et cela nous a beaucoup aidé à travailler efficacement en équipe et à trouver des consensus. Je crois que le fait de vivre dans un contexte sécuritaire difficile et d’être beaucoup ensemble a créé une cohésion forte dans l’équipe, nous nous soutenions mutuellement. Il y a bien sûr aussi le revers de la médaille, le fait d’avoir peu de moments d’intimité, de solitude. Vivre et travailler ensemble de façon aussi intense, ce n’est pas toujours facile à gérer !
La coordination de PBI Mexique envoyait tous les deux-trois mois une psychologue, très familière du fonctionnement interne de PBI, afin de faire le point avec l’équipe sur notre moral, et pour nous aider à prendre du recul sur le travail, les situations de tension et les frustrations. Cela nous a beaucoup aidés.
Comment s’est organisé le travail au sein de l’équipe ?
Il y avait énormément de travail et la fatigue était parfois importante. Il fallait gérer à la fois le travail d’intendance de la maison (cuisine, ménage, standard téléphonique…), le travail interne de PBI (liens avec les différentes entités de PBI, finance, communication, analyse politique, stratégique…), le travail de relation publique (communication sur le travail des organisations accompagnées, planification de réunions avec les autorités et la société civile), et enfin le travail d’accompagnement des défenseur.e.s. Chaque volontaire est référent d’une organisation accompagnée ; moi j’étais en relation avec le Centre de Droits de l’Homme Paso del Norte, une organisation de Ciudad Juarez qui travaille principalement sur des cas de torture et de disparition.
L’équipe se rend à Ciudad Juarez en bus (environ 4h30 de trajet depuis Chihuahua), alors que tout déplacement à Coahuila nécessite de prendre l’avion. Paso del Norte était donc une organisation accompagnée relativement « proche » géographiquement ! Le fait que l’organisation nous montre beaucoup de reconnaissance m’a permis de rester motivée tout au long de l’année. Au Nord, la stratégie de PBI est principalement axée sur le travail de plaidoyer auprès des autorités et sur la visibilisation des défenseurs accompagnées, ce qui signifie pour l’équipe davantage de travail de bureau et assez peu d’accompagnement physique, en comparaison avec d’autres projets de PBI. C’est vraiment lors des tournées à Ciudad Juarez ou dans l’Etat de Coahuila, pour organiser des réunions avec les autorités et des membres de la société civile, que l’on pouvait se rendre compte de l’importance de notre travail.
Quel bilan fais-tu de cette année de volontariat au Mexique ?
Ce fut une année très positive dans l’ensemble. J’en ressors avec de fortes convictions, une confiance renforcée dans le mandat de PBI et une grande motivation. J’ai eu beaucoup de chance d’avoir de si bonnes relations avec l’équipe et les défenseurs que nous avons accompagnés. J’ai trouvé le travail d’analyse du contexte particulièrement passionnant et les discussions stratégiques très stimulantes ; je suis donc très contente de commencer en juin le poste de chargée de plaidoyer international pour PBI à Genève !