Le Frère Tomas Gonzalez lors de la réception du Prix franco-allemand «Gilberto Bosques» pour les droits de l’Homme
A l’occasion du passage du Frère Tomas Gonzalez en Europe, le CCFD a organisé une réunion inter-associative le 16 mai sur la thématique des migrants au Mexique à laquelle PBI et le Secours Catholique étaient conviés. L’objectif de cette rencontre était d’écouter le témoignage du Frère Gonzalez sur la situation des migrants et de leurs défenseurs au Mexique et d’échanger sur la problématique des droits de l’homme dans le pays.
Fray Tomas Gonzalez dirige l’unique centre d’accueil de migrants dans l’Etat de Tabasco (dans le Sud Est du Mexique, à la frontière avec le Guatemala) appelé “La 72”. Ce refuge fournit, comme une cinquantaine d’autres établissements dans le pays, une aide humanitaire aux migrants qui traversent le pays pour rejoindre les Etats-Unis. Il leur offre un espace de repos et de sécurité, de la nourriture, des soins médicaux, une assistance légale ainsi qu’un appui psychologique.
La 72 et le Frère Gonzales ne sont pas accompagnés par PBI sur le terrain mais son organisation et PBI se connaissent bien. Au delà de la présence de PBI à la remise de son prix franco-allemand Gilberto Bosque en septembre dernier, PBI accompagne des foyers de migrants similaires à celui du Frère Gonzalez (La « Casa del Migrante Saltillo » dans le Nord du Mexique et le refuge « Hermanos en el Camino » dans le Sud).
La situation évoquée par le Frère Gonzales pendant la réunion est extrêmement préoccupante. Les personnes migrantes n’ont pas échappé à l’augmentation de la violence dans le pays et connaissent une situation de vulnérabilité accrue, étant la cible des réseaux de criminalité organisée (trafic de migrants, narcotrafic) mais aussi de fonctionnaires corrompus. La liste des menaces auxquelles ils sont exposés est longue : ils sont ainsi victimes de séquestrations, extorsions, abus sexuels, disparitions, agressions, vols, etc.
En théorie, la loi relative à la migration de mai 2011 a décriminalisé la situation d’irrégularité d’une personne migrante sans papier (et donc, de manière mécanique, du travail des refuges qui les aident et les hébergent). Malgré l’objectif louable de cette loi de créer un cadre légal de protection pour les populations migrantes, elle est loin de changer la situation sur le terrain et n’empêche pas que les acteurs étatiques et criminels continuent à commettre les mêmes atteintes aux droits et à la sécurité des migrants.
Si circuler sur le territoire mexicain sans document d’identité n’est donc plus un délit, l’arrestation systématique des migrants par les agents fédéraux, l’usage discriminatoire et disproportionné de la force pendant les opérations de contrôle migratoire et les déportations massives et immédiates continuent de violer leur droit à la liberté de mouvement, leur empêchent tout accès à la justice et sont un moyen de les criminaliser, générant ainsi une stigmatisation qui les rend d’autant plus vulnérables.
Le Frère Gonzalez mène, avec d’autres refuges, un travail de plaidoyer dans le but de modifier la loi sur l’immigration en promouvant l’idée d’un transit libre, digne et non violent pour les migrants d’Amérique centrale à travers le Mexique vers les Etats-Unis. Ils entreprennent également un travail de sensibilisation sur le terrain de la population locale qui ne comprend souvent pas leurs activités et les difficultés rencontrées par les migrants et qui peut être influencée par ailleurs par les autorités locales qui stigmatisent les refuges (en alléguant par exemple que le refuge génère plus d’insécurité locale).
Lors de la réunion, le Frère Gonzales a également partagé la réalité de plus en plus dangereuse des défenseur.e.s qui sont plus que jamais les cibles d’attaques, de harcèlements et de menaces.
Ainsi, si le nombre d’incidents de sécurité subis par les défenseurs des migrants était de 18 entre 2004 et 2012 au Mexique, ceux-ci ont augmenté progressivement pour atteindre 49 dans la seule année 2012. Sur cette période 2004-2012, pour 40% des cas, les agents fédéraux ont été identifiés comme les agresseurs (source : Panorama de la defensa de los derechos humanos en Mexico).
Le Frère Gonzales a lui-même a été agressé il y a peu par des agents fédéraux.
Ainsi, le 30 avril 2014, alors qu’il accompagnait avec deux autres défenseurs de « La 72 » une marche de migrants en appui à la marche du Viacrucis Migrante, ils ont été agressés par des agents de l’Institut national de la migration (INM) et par des agents de la police fédérale et régionale. Ceux-ci ont stoppé la marche et arrêté les migrants qui y participaient. Les défenseurs ont essayé de communiquer avec les forces de l’ordre mais se sont vu nier toute possibilité de dialogue. Au contraire, ils ont été agressés physiquement et pour deux d’entre eux, se sont retrouvés en détention avec les 320 migrants (dont des femmes et des enfants) qui formaient la marche.
Ces défenseurs de la 72 disposent pourtant de mesures de protection de la part de Commission interaméricaine des droits de l’Homme et du « Mécanisme de protection » du Mexique (pour en savoir plus, lire l’article ci dessous sur le Mécanisme et ses dysfonctionnements).
Dans le pays, plusieurs incidents de ce type ont eu lieu en avril et début mai 2014, après le Viacrucis del Migrante - une caravane formée par plus de 750 migrants commencant un voyage de la frontière sud du Mexique vers la frontière nord avec les Etats-Unis pour demander la liberté de mouvement des milliers de migrants qui traversent le Mexique chaque année et sont victimes de violations.
En réaction, le projet Mexique de PBI a exprimé dans une tribune sa forte inquiétude devant ces nombreux actes graves d’agression (attaques physiques, menaces, détentions illégales) qui ont eu lieu en seulement un mois contre des défenseur.e.s des droits de l’homme et des migrants.
Lire ici cette tribune.